MAETERLINCK : La Rascasse
toujours en batterie
Située à l'extrémité est de la commune, la Batterie de la Rascasse constitue
un de ces îlots miraculeusement préservés de tout atteinte, un de ces sites qui
fascinent autant par leur mystère que par leur splendeur naturelle. Un morceau
de Côte d'Azur intact, entre aloès et rocher. La mer pour seul horizon. En
contrebas du boulevard Maeterlinck, la Batterie, à laquelle on accède
aujourd'hui par une petite route à l'entrée discrète, surplombe l'entrée de la
rade de Villefranche. C'est cette position exceptionnelle qui a valu à cette
vigie de devenir propriété de la Marine. En 1896, cette dernière y installe
quatre canons de 138 dans le but de protéger l'accès Ouest du plan
d'eau. C'est l'âge d'or militaire du site : 60 marins, dont 32 affectés à la
seule manipulation des canons, occupent alors la Batterie. Actuelle locataire
des lieux, l'association des Anciens Marins et Marins Anciens Combattants de
Nice (A.M.M.A.C.) entretient fidèlement cette mémoire des « temps héroïques
».
Occupée par les Allemands « A l'époque, toute la Côte a fait
l'objet d'une protection renforcée. Avec une attention particulière pour la rade
de Villefranche en raison de la présence de nombreux bâtiments de guerre et de
commerce qui pouvaient constituer autant de cibles pour des ennemis potentiels
», souligne M. Antoine Pastorelli, président Honoraire de l'A.M.M.A.C. Une
galerie est creusée sous l'actuelle route nationale afin d'y entreposer dans le
plus grand secret le matériel de transmission. Un blockhaus est édifié pour
abriter un projecteur géant. Aujourd'hui, ce dernier a disparu, mais la casemate
de béton est toujours là. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, la
Batterie sera occupée par les Italiens puis les Allemands après le sabordage de
la flotte française dans le port de Toulon. En 1945, la fin des hostilités sonne
le glas de la Rascasse : le site est désarmé, les canons sont démontés. « De
par l'évolution technique et pour des raisons stratégiques évidentes (l'absence
d'ennemis virtuels), les batteries sont alors condamnées. Elles sont
généralement désaffectées. Celle du Cap Brun, à Toulon, où était le P.C. de la
D.C.A. est ainsi devenu la résidence de l'amiral commandant la flotte de
Méditerranée ». La Batterie du Boulevard Maeterlinck ne connaît pas un sort
aussi faste. Elle dépérit : les locaux se dégradent et les herbes envahissent
les installations. Transformée en squat, elle est le théâtre, en 1961, d'un
règlement de compte entre Algériens du F.L.N. Il y aura un mort. C'est en
1970 que la Marine loue l'ensemble du secteur à l'A.M.M.A.C. à charge pour cette
association d'entretenir le site. Les Anciens Marins vont renflouer ce «
navire » à la dérive : dans l'ancien blockhaus du Poste de Commandement, ils
aménagent un bar-salon d'exposition qui a aujourd'hui des allures de musée avec
son amphore, son hublot, ses quatre-vingts « tapes de bouche » (couvercle
servant à fermer le canon pour empêcher l'eau d'y pénétrer). Le bâtiment est
agrandi.
132 navires de guerre Une nouvelle vie commence. Depuis 25 ans,
elle est rythmée par les réceptions offertes aux équipages des navires qui
mouillent dans le port de Nice. Amiraux et commandants s'y succèdent. Français
mais aussi étrangers. « Au total, nous avons reçu 132 navires de guerre, dont
une majorité de sous-marins. « l'Agosta », notamment, un insubmersible à haute
performance, basé à Lorient, dont la ville de Nice est marraine », précise M.
Pastorelli.
Non, la Batterie de la Rascasse n'a pas désarmé. Mais ses armes sont
désormais pacifiques.
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